Le Mouvement Patriotique pour la Démocratie et le Développement (MPDD), autrefois dirigé par feu Agbéyomé Messan Kodjo, connaît un tournant de son existence. Le samedi 12 octobre 2024, à Lomé, Jonas SILIADIN a été élu nouveau président du parti lors d’un congrès ordinaire. Ce congrès marque la fin d’une ère et l’ouverture d’une autre pour le MPDD. Cependant, une onde de choc vient semer de doutes au sein de la famille politique togolaise et chez les esprits avertis. Il s’agit de l’annonce du changement de la ligne directrice du parti qui jusque-là consistait à combattre le régime de Faure Gnassingbé dont la victoire à la dernière élection présidentielle est toujours remise en cause par Agbéyomé Kodjo qui se considère comme le vrai vainqueur.
Le MPDD sous la conduite de Jonas SILIADIN, adoptera désormais une position modérée sur la scène politique togolaise. Une décision qui soulève des questions sur la fidélité à l’héritage laissé par feu Agbéyomé Kodjo. L’ancien Premier Ministre, figure emblématique de la politique togolaise, est mort en exil, armes en mains, en plein combat acharné contre le pouvoir de Faure Gnassingbé, Président élu à la suite de l’élection présidentielle de février 2020, selon la CENI et la Cour Constitutionnelle. Un verdict des urnes que le Candidat de la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK), l’ancien chef de Gouvernement sous feu Gal Eyadema, continuait de contester en s’autoproclamant président élu du Togo jusqu’à son décès. Depuis sa position à l’extérieur du Togo, il a successivement formé des Gouvernements en utilisant les symboles de la République en défiance au Président proclamé élu par les institutions de la République que sont la CENI et la Cour Constitutionnelle. Ainsi, jusqu’à son dernier souffle, il a revendiqué cette victoire, incarnant la lutte farouche contre ce qu’il considérait comme un « régime autoritaire et illégitime ».
Changement de ligne directrice, rupture ou trahison ?
Alors que la famille biologique du défunt Agbéyomé Kodjo n’a pas fini de pleurer sa mémoire, sa famille politique rompt avec son idéologie et la ligne directrice du parti qui passe désormais de radicale au modéré. Jonas SILIADIN, successeur de feu Agbéyomé a déclaré que le parti se positionnera désormais comme un parti modéré, prônant une « opposition constructive et s’ouvrant à des alliances ». Ce changement de ligne directrice, est-il simplement une volonté de rompre avec un système jugé infructueux ou une trahison à la mémoire de feu Agbéyomé Kodjo ?
La méfiance
Pour ceux qui voyaient en Messan Agbéyomé Kodjo un produit du Rassemblement des Peuples Togolais (RPT) sous le Général Eyadéma, devenu radical et intransigeant face au régime de Faure Gnassingbé, son rival de la dernière élection présidentielle, ce volte-face est perçue comme une rupture teintée de trahison. Ceux qui y voient une bonne stratégie politique , se réservent d’être méfiants. Selon cette dernière école, il s’agirait plutôt d’un come-back à la maison.
Rupture stratégique ou pragmatisme politique ?
Le repositionnement du MPDD sous la houlette de Jonas SILIADIN divise l’opinion. D’un côté, certains y voient une déviation grave de la ligne dure qu’incarnait Agbéyomé Kodjo. La mémoire de l’ancien Premier ministre, qui a véritablement combattu le pouvoir depuis 2020, jusqu’à sa fin, semble être trahie par cette modération soudaine de ses disciples. Les tenants de ce courant, estiment que cet adoucissement est un reniement de l’héritage politique qu’a laissé l’ancien Président de l’Assemblée Nationale, une rupture avec la vision de celui qui même en exil, se considérait toujours comme le Président légitimement et légalement élu du Togo.
D’un autre côté, pour d’autres analystes, ce changement de cap est perçu comme une stratégie nécessaire pour permettre au MPDD de continuer à exister dans le paysage politique togolais. Dans un contexte où la radicalité semble avoir atteint ses limites, certains estiment que cette approche plus modérée pourrait renforcer la crédibilité du parti et de lui permettre de jouer un rôle plus influent dans le jeu politique.
La fin d’une époque ?
Le MPDD, sous l’ancien chef de cabinet du feu Agbéyomé (au début des années 2000) , Jonas SILIADIN, se présente désormais comme un parti de « centre républicain ». En se revendiquant d’une opposition constructive, il marque une rupture avec le radicalisme de ses débuts, et notamment avec le positionnement intransigeant de son fondateur. Cette évolution pose une question fondamentale : le MPDD peut-il survivre politiquement tout en s’éloignant des principes de son fondateur emblématique ?
Si certains parlent de trahison, d’autres voient cette réorientation comme un signe de maturité politique. Le temps dira si cette stratégie permettra au MPDD de retrouver une place de choix dans la politique togolaise ou si, au contraire, elle effacera définitivement le legs d’Agbéyomé Kodjo. Ce qui est certain, c’est que la mémoire et les idéaux du feu Premier ministre continueront d’alimenter les débats au sein du parti et au-delà.
Il faut rappeler que jusqu’à sa mort, Agbéyomé Kodjo a plusieurs fois appelé les Togolais à se « mobiliser pour manifester leur désapprobation face à ce qu’il qualifiait de « mascarade électorale et à défendre leurs suffrages » faisant allusion à l’élection présidentielle de 2020, mais son appel n’a pas eu d’écho jusqu’à sa mort en mars 2024.
El bicho