BAGA-DEFALE/NIAMTOUGOU
Un conflit foncier sur fond de rivalités entre LAMBA et NAWDA
Les Lamba développent leur localité
Les «Nawda boivent la soupe de leurs enfants»
La quiétude légendaire entre les Lamba du canton de Défalé et les Nawda du canton de Baga a été interrompue au début du mois de juin. Et la presse privée togolaise à son habitude en a fait ses choux gras. Qui pour attaquer, qui pour trouver les auteurs du crime. Dans la passion, chacun a cru détenir la vérité. Le conflit entre Lamba et Nawda des cantons de Défalé et de Baga n’est pas si simple qu’on ne le pense.
Confusion du genre
Pour mieux comprendre ce qui s’est passé entre deux peuples qui vivaient jusque là en bonne entente, LA DEPECHE comme à son habitude, a mené son enquête.
Le conflit entre Lamba de Défalé et Nawda de Baga existait depuis. Quoi de plus normal pour deux cantons qui coexistent. Mais il n’a jamais connu l’ampleur qu’il a prise dans la 2ème quinzaine du mois de juin. En son temps, le chef MBETA avait saisi la justice. Si celle-ci avait correctement fait son travail, on n’en serait pas là. Du côté de Baga, il y a une confusion du genre. Tantôt on brandit la revendication territoriale (foncière) et tantôt la revendication politique (attribution de postes ministériels entre les cadres de la préfecture.) Les Nawda estimant que Défalé moins peuplée est mieux servi. Selon eux, il y aurait plus de cadres promus à Défalé. Faux rétorquent les Lamba. Il y a des ministres Lamba et Nawda, des ambassadeurs Lamba et des ambassadeurs Nawda, des députés Nawda comme Lamba.
La zone contestée
De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’une portion de terre entre Baga et Défalé. Précisément entre les villages Amondè et Woladè au Sud de Défalé entre les deux cantons.
Depuis le tracé d’une piste de Défalé pour relier le canton de Kpaha en traversant la chaîne de Défalé, Baga estime que les terres au delà de la piste lui appartiennent. Or selon les cartes du professeur Attignon que nous avons consultées, le canton de Baga n’est traversé par aucune chaîne de montagne. Les revendications de Baga vont jusqu’aux teckeraies à l’entrée de Défalé. A quoi il faut ajouter le tracé de pistes et la voie de contournement qui ont fait perdre des portions de terre à Baga. Le tracé du contournement et des pistes rurales sont contestés par Baga qui chercherait à grignoter sur des terres appartenant à Défalé. Et pourtant, le contournement et les pistes sont des projets qui servent à Baga, à Défalé et aux Togolais.
Les causes
des affrontements
Un jeune de Défalé Woladè épouse une fille de Baga. La femme se rend chez elle (Baga) lors d’un décès où elle surprend ses parents en train de programmer l’assassinat de son mari ! Elle court alerter son mari. Le mari, pris de peur, se demande que faire. Fuir en abandonnant sa femme et ses enfants ? Il décide de se cacher dans un coin de la maison. A 21 h, les assaillants, au nombre de quatre, débarquent au domicile de leur beau. Ils interpellent la femme (leur fille) qui leur répond qu’elle ne sait où son mari est allé ! Ils décident alors de brûler la maison. Le mari sort de sa cachette et c’est son propre gendre qui tire sur lui. Dans la bagarre, il parvient à prendre la fuite. Trop, c’est trop. Les Lamba alertés, s’organisent pour riposter. On accuse les Lamba d’utiliser les armes. Ceux-ci démentent et accusent à leur tour les jeunes de Baga revenus du Ghana avec des armes. Le préfet s’interpose et convoque tous les protagonistes du conflit. Mais les jeunes de Baga ne répondent pas à la convocation. Pire, ils retournent sur le terrain défricher comme si de rien n’était. C’est sur le terrain que les hommes s’affrontent, déclarent-ils. Ils tonnent le son de corne (dans le Nord, le ton de corne est un appel à la guerre). Défalé décrète à son tour l’appel général. Le pire a été évité avec l’arrivée des forces de l’ordre. Nous sommes au 11 juin 2016. Le lendemain, les jeunes de Baga dressent les barricades pour empêcher la circulation et aux femmes de Défalé de se rendre au marché de Niamtougou. Nous sommes loin des revendications territoriales.
Quel est le rôle d’Ayassor ?
Quel a été le rôle du ministre Ayassor dans ce conflit pour qu’il soit cité? Aucun, selon nos enquêtes. Mais il est cité comme étant l’instigateur. Le village du ministre Ayassor se situe très au Nord du site contesté. Selon nos interlocuteurs, le ministre Ayassor est celui qui joue à l’apaisement dans la préfecture en conseillant de laisser la résolution de tout litige à la justice. Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, on doit le lui reconnaître. Sans lui, le pire serait déjà arrivé. Et pourquoi on le cite partout ? Autorité de proue, on estime qu’il est derrière ce qui se passe.
Défalé construit, «Baga fait
la soupe de ses enfants»
Derrière les ambitions et les récriminations, se cachent les non-dits dans la préfecture. Dans la préfecture de Niamtougou, Défalé prend de l’ampleur par rapport à Baga et Niamtougou, le chef-lieu. Quand vous posez la question, on vous répond que ce sont les cadres de Défalé qui développent leur localité. Ici, chaque cadre a sa maison. Ce sont des cadres qui ont cotisé pour réaliser le plan directeur du chef-lieu du canton. M. Ayassor a cotisé comme tous les autres cadres. Ce qui n’est pas le cas pour Baga où les chantiers de construction ne sont jamais achevés car « Baga fait la soupe de ses enfants », selon un sage du canton de Baga. En clair, à Baga et à Niamtougou, on tue les jeunes qui veulent développer leur localité. C’est pourquoi les cantons Nawda sont arriérés. Vrai ou faux?
Des réclamations
tous azimut
Comme nous l’avons signalé plus haut, ce qui oppose Lamba et Nawda, ce n’est pas seulement la terre. C’est une rivalité politique plus qu’un conflit foncier. Les Nawda estiment qu’il ya plus de cadres promus à Défalé qu’à Niamtougou. Faux, rétorquent les Lamba.
La querelle tourne particulièrement autour des députés. C’est un choix rotatif selon les Lamba que nous avons interrogés. Ce que ne démentent pas certains cadres Nawda. Quand on regarde au niveau du pays, les Nawda ont autant de cadres promus que les Lamba. La question est de savoir si les Nawda aident leurs jeunes frères à se promouvoir?
Un Comité de conciliation
Pour apaiser les tensions entre les deux entités, un Comité de chefs traditionnels est mis sur pied. Chaque partie au conflit est conviée à déposer ses preuves de possession des lopins contestés auprès du Comité. Malheureusement, c’est Baga qui refuserait de coopérer au sein du Comité, comme il refuse aussi de coopérer au niveau de la justice.
Les problèmes existaient avant Ayassor
C’est en 1948 que les tecks à l’entrée de Défalés ont été plantés par la colonisation. En 1964-1965, les volontaires français s’installent à Défalé. A la même période était cultivé sur le site du manioc qu’on apportait à Palanga, le chef supérieur des populations du Nord à Lama-Kara (Kara).
Sur le même site, les chefs, Gnama (père du Colonel Gnama) et Assoumatine (père de l’ancien ambassadeur Assoumatine) ont poursuivi les cultures d’anacardiers. En 1974, le site sera retrocédé à TOGOTRUT. Pendant ce long temps, Baga n’a jamais réclamé la paternité des sites.
A Défalé, on reconnaît que les paysans de Baga sont de courageux cultivateurs. Les Lamba ne refusent pas de leur donner la terre s’ils font la demande. Mais se lever un jour et réclamer ce qui ne leur appartient pas, cela ne passe pas, souligne-t-on à Défalé. Le Nawda et Lamba ont toujours vécu en parfaite harmonie. Ils doivent continuer à maintenir ce climat de paix. Pour ce faire, il faut que les cadres des deux cantons cessent de tirer les ficelles. Ils doivent plutôt se réunir sous l’arbre à palabre comme nos ancêtres nous l’ont enseigné pour trouver une solution à leurs problèmes.
Mathey A